24.10.2010

La tortue de Sparte

Comme pour Laïus sur la route de Thèbes, les croisements sur les chemins géorgiens sont souvent source de conflits. En effet, comme il est presque impossible d'estimer le temps qu'il faut pour atteindre son but, car, selon les tronçons, on y roule à 80km/h ou 20km/h. Il arrive donc parfois que l'on se retrouve sur la route après la tombée de la nuit, au pire avec un orage en même temps.
La route devient alors un champ de bataille où il faut sauver sa peau à chaque contour. Ornières cachées, rivières, vaches, promeneurs sombres, chars à contresens, deux ou trois véhicules qui arrivent de front en face dans un contour, tout arrive. L'éclairage misérable des véhicules est tel que souvent les phares de freins ne fonctionnent pas, que les feux de positions sont utilisés comme feux de croisement, etc.
Finalement, après quelques kilomètres d'effrois, nous avons adopté les techniques des guerriers grecs, à savoir une variante de la tortue spartiate: pour se protéger il faut s'entourer de quelques boucliers bien choisis. Nous sommes donc restés une vingtaine de kilomètres derrière un camion-remorque de l'armée géorgienne. Ainsi c'était lui qui effrayait les voitures en face et les soubresauts de la remorque qui nous indiquaient les plus méchantes ornières. Ses phares de frein étaient cachés par la remorque mais même en cas de freinage brusque, une légère collision avec une petite remorque de ce type n'aurait pas eu grandes conséquences. Le défaut de cette technique est qu'elle agaces les autres usagers de la route arrivant par l'arrière. Ils tentent alors de dépasser tout le groupe, quel que soit l'état de la route. Il n'est alors pas rare qu'un intrépide doive se rabattre d'urgence et se remettre de force devant son propre nez. Peu avant l'arrivée à Batumi notre bouclier géorgien s'est arrêté et nous avons pu reprendre notre marche d'approche sur le champ de bataille pour les derniers kilomètres. Petit à petit le trafic s'est fait si lent que ce ne furent plus que les carrosseries qui risquaient quelques rayures.

Le corps à corps final se déroula, lui aussi, par chance, sans problème. On ne saura à quel dieu grec, ou autre, on doit cette chance.

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